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Le réveil sonne, instinctivement je trouve le moyen d’éteindre la sonnerie tonitruante. L’instant qui suit, j’ai froid aux oreilles, je passe ma main dans les cheveux … Oh rage, je suis quasiment chauve, je m’assoie aussi sec dans mon lit, je regarde mes mains, mon corps, et lÃ_, je pousse un cri, un cri rauque, un cri sans ma voix ! Sous une sorte de longue tunique, je suis un homme, je ne sais pas encore quel homme je suis, je sais juste que je ne suis pas très jeune et quasiment chauve, les cheveux très courts sur les côtés.

Je regarde l’heure, il est 6 heures du matin. Dehors, il commence Ã_ faire jour, les volets sont restés ouverts. Mes narines picotent, ça sent la térébenthine, le vernis, le vieux bois, je connais cette odeur mais je ne saurais dire d’où. J’ai hâte de savoir qui je suis, en même temps, c’est la première fois que je suis un homme et j’ai peur !

Je tente de me repérer. Autour de moi, il y a des toiles posées sur tous les angles, je crois connaître ces formes, ces couleurs et puis soudain je tombe sur moi dans le miroir qui fait l’angle avec la porte. Je suis … Oh mince ! Je suis PICASSO !

Durant toutes les heures qui ont suivi, je me suis laissée imprégner par ma nouvelle identité, je suis devenue lui et non l’inverse, même si j’ai du y mettre un peu du mien sans fausse modestie ! Très vite j’ai ressenti une assurance débordante, je savais ce que je voulais sans préambule, et lÃ_, en l’occurrence, c’était mettre sur toile ma préoccupation première : la femme.

Instinctivement je savais où je voulais en venir avec mes pinceaux, le mélange des couleurs, les formes. J’ai été bouleversée de me voir faire et défaire une forme, sans l’once d’un découragement, de pouvoir modifier un mouvement pour un autre, sans éprouver la moindre perte mais plutôt un accomplissement, de trouver le ton juste d’une composition, celle qui correspondrait le mieux Ã_ l’ensemble du tableau et tout ceci avec une clairvoyante ténacité. Je me suis sentie terriblement Ã_ l’affût de moi-même, avec un ego surdimensionné peut-être, mais tellement vivant. Je n’oubliais rien de moi, je prenais tout jusqu'Ã_ obtention de mes intimes perceptions. Il s’aimait beaucoup en quelque sorte cet homme-lÃ_ ! Et moi par la même occasion.

- C’est lundi dans mon lit!!!
J’avais effectivement un peu de peinture bleue sur le visage. Un souvenir, une trace et plus encore, car ce matin-lÃ_, en ce lundi, en ce premier jour de la semaine, quelque chose venait de changer. J’avais retrouvé mes cheveux, j’étais bien telle que je suis. Pourtant il s’était passé quelque chose d’autre. Je sentais le désir profond d’être MOI sous toutes mes formes et mes couleurs... J’ai tant de choses Ã_ découvrir et qui sait, peut-être naître encore une fois.